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De garde des bois à officier communal : Jean-Baptiste Dubus

    Au cours de nos recherches, il nous arrive, très souvent d'ailleurs, de rencontrer des ancêtres dont nous ne savons, pour ainsi dire, rien hormis les classiques naissances/mariages/décès. C'est particulièrement vrai pour les ancêtres ayant vécu avant le XIXe siècle. Mais il peut également arriver qu'on en apprenne beaucoup plus sur un ancêtre, grâce à des sources multiples, un curé un peu plus bavard, ou tout simplement car l'ancêtre occupait un poste important au sein de la paroisse/commune. C'est le cas de l'ancêtre dont je vais désormais vous parler, à savoir Jean-Baptiste Dubus.

Un ancêtre de la Somme

    Jean-Baptiste Dubus est né dans ce qui est aujourd'hui le département de la Somme, plus précisément dans le village de Cottenchy, le 21 novembre 1735. Il est le troisième enfant de Claude et de Marie Pingré. Pour ce couple, je connais pour le moment cinq enfants : Marie Jeanne (10/02/1731-02/10/1732), Claude (04/04/1733-27/08/1804), Jean-Baptiste, Marie Anne (09/12/1737-24/11/1741), et Marie Anne (17/11/1743-?).

    Jean-Baptiste passe toute son enfance à Cottenchy. Pendant cette période de sa vie, on peut noter la naissance de ses deux sœurs et malheureusement le décès de l'une d'elle.

    Je retrouve sa trace lors de son mariage, le 27 mai 1760, avec une certaine Marie Charlotte Carpentier. Elle est née le 25 février 1738, également à Cottenchy et est la fille de Pierre, décédé le 12 avril 1743, et de Marie Fleury, décédée en couches le 3 mars 1744 (par rapport à elle, il y a quelque chose d'étrange, car la fille qu'elle met au monde à ce moment-là est désignée comme étant la fille posthume de Pierre Carpentier... alors que ce dernier est mort il y a près de 11 mois. Soit j'ai mal lu l'acte d'inhumation de Pierre, soit il y a une affaire à éclaircir). Au moment de son mariage, Marie Charlotte est donc accompagnée de ses oncles, qui sont désignés comme étant ses tuteurs.

    Après son mariage, le couple part s'installer dans le proche village de Castel (absorbé par le village voisin de Moreuil au XXe siècle). Là, ils auront ensemble neuf enfants, dont quatre seulement atteindrons l'âge adulte : Jean-Baptiste Augustin (19/02/1761-?), Marie Charlotte (27/11/1764-?), Léonard (05/04/1767-03/10/1767), Firmin (25/09/1768-?), Marie Charlotte Claire, mon ancêtre (11/08/1770-17/03/1854), les jumeaux Marie Louis Célestine (25/08/1772-19/10/1772) et Nicolas Louis (25/08/1772-26/09/1783), Vast (06/02/1775-02/08/1775), et Jean Charles Hyppolite (12/08/1777-12/09/1777).

    La vie du couple à Castel est ponctuée, comme je l'ai dit, par le décès de cinq de leurs enfants. Malheureusement, le 15 novembre 1785, Marie Charlotte, la femme de Jean-Baptiste, décède, alors qu'elle n'est âgée que de 47 ans. Elle est inhumée le lendemain. Jean-Baptiste doit donc très certainement s'occuper de certains de ses enfants n'ayant pas encore atteint l'âge adulte.

Les métiers de Jean-Baptiste

    Je vais interrompre un peu mon récit avant d'attaquer la Révolution, pour vous parler du métier qu'exerce Jean-Baptiste, que je trouve assez intéressant : il est, selon les actes dans lesquels est mentionnée sa profession, "Garde des bois plaines et chasses", "Garde de bois de messieurs les chapelains" ou encore "Garde de la Seigneurie de Castel". De ce que j'ai pu comprendre en faisant quelques recherches, c'est l'équivalent du métier de garde des bois qu'on connait aujourd'hui, c'est-à-dire une personne engagée par une autre afin d'assurer la surveillance de ses bois. Mais ici, comme on peut le voir, Jean-Baptiste a l'air d'avoir un rang encore un peu plus important, car il semble qu'il garde les bois de toute la seigneurie, ainsi que ceux des chapelains, ces derniers étant très importants au sein de la seigneurie, car de ce que j'ai pu lire, ils la possédaient même en partie ! En plus de ce poste, je pense que Jean-Baptiste devait exercer une autre profession, car parfois je retrouve la mention de "fermier" ou "laboureur". En tout cas, cela montre donc que, dès la période pré-révolutionnaire, Jean-Baptiste occupait une place importante au sein de la commune. Et cela ne va pas cesser.

Pendant la Révolution

    En 1789, la Révolution arrive et avec elle son lot de changements, notamment dans la dénomination du métier qu'exerce Jean-Baptiste. Dans les actes où son nom est mentionné, il est désigné comme étant "Garde des bois nationaux". Je suppose qu'il exerce le même métier, mais avec seulement une dénomination différente, les bois n'appartenant plus aux religieux de la commune, mais étant placés, comme une grande partie des forêts du territoire français, sous la protection de la Nation depuis décembre 1789 face aux nombreuses dégradations que subissent les forêts. Mais avançons de quelques années.

    En l'an IV de la République, c'est-à-dire en 1795-96, plus précisément à partir du mois de janvier 1796 (Nivôse pour le calendrier républicain), si nous regardons les signatures en bas des actes rédigés à partir de cette période, on retrouve à chaque fois la signature d'un certain Dubus. Cela m'a donc intrigué et lorsque j'ai été voir le nom de la personne qui rédigeait les actes, quelle ne fut pas ma surprise de voir apparaître le nom de Jean-Baptiste ! Et en comparant les signatures, j'ai eu la certitude que c'était bien lui. Il est donc désormais désigné sous le terme de "Officier Public du Conseil Général de Castel", et il était donc chargé d'enregistrer les actes d'état civil (naissances, mariages, décès). À mes yeux, cela confirme que Jean-Baptiste devait occuper une place importante au sein de la paroisse puis de la commune, pour qu'on lui confie une tâche aussi importante.

    Je vais m'arrêter un instant sur le Conseil général de la commune : il est créé pendant la Révolution, au moment où les communes sont instituées sur tout le territoire le 14 décembre 1789. À partir du 20 septembre 1792, la tenue des registres d'état civil, jusqu'alors tenus par les curés des paroisses, passent sous la responsabilité d'un officier public élu. À Castel, le premier dont je trouve la trace est un certain Antoine Pillon, élu le 16 décembre 1792 pour réaliser cette tâche. Il est remplacé en janvier 1795 par Jean-Baptiste, peut-être à la suite d'une nouvelle élection. Le premier acte que signe Jean-Baptiste en tant qu'officier public est un acte de naissance daté du 21 Nivôse an IV (11 janvier 1796). Il tient le poste jusqu'en mars 1797, en l'an V : le dernier acte sous lequel on retrouve sa signature en tant qu'officier public est un acte de naissance daté du 15 Ventôse an V (5 mars 1797), après cette date celui qui le remplace n'est autre qu'Antoine Pillon, le précédent officier qui occupait le poste. Jean-Baptiste a-t-il démissionné, perdu l'élection ou ne s'est tout simplement pas représenté ? Je ne le sais pas.

La fin trouble de Jean-Baptiste

    Après cela, je ne retrouve que très peu de traces de Jean-Baptiste dans les registres. En 1804, il déclare la mort de son frère Claude : il est alors désigné comme étant "ancien garde des bois nationaux". La dernière trace que je trouve de Jean-Baptiste est malheureusement au moment de son décès, le 26 octobre 1817, à l'âge de 81 ans, non pas à Castel, mais à La Neuville-Sire-Bernard, commune voisine de Castel et Moreuil, au sud. Il a dû s'installer dans ce village, car c'est là où réside son fils, Jean-Baptiste Augustin, qui déclare d'ailleurs le décès. Chose intéressante : dans l'acte de décès, il est dit que Jean-Baptiste exerce la profession de "mendiant" (orthographié assez bizarrement). De ce que j'ai pu comprendre en faisant quelques recherches, c'était un métier reconnu et même respecté. Jean-Baptiste, sûrement pauvre, devait exercer cette profession pour espérer gagner un peu d'argent, tout en étant hébergé chez son fils.

Conclusion

    Jusqu'au bout, la vie de Jean-Baptiste Dubus aura été bien singulière de par les métiers qu'il a exercés : entre les classiques laboureur et fermier, il a été garde des bois plaines et chasses pour la seigneurie de Castel ainsi que pour les chapelains, avant de changer d'intitulé et d'être garde des bois nationaux, pour ensuite être élu officier public du conseil général de Castel, afin d'être chargé d'enregistrer l'état civil. Enfin, il termine sa vie en tant que mendiant, une fin bien triste pour un personnage qui semblait aussi haut placé dans la hiérarchie communale, mais qui m'aura permis d'en apprendre plus sur certains métiers et sur certains aspects de la commune au moment de la Révolution.

    Merci de m'avoir lu, et je vous souhaite une excellente journée ou soirée !


Sources :

- Archives Départementales de la Somme

- fiche Wikipédia de "Garde des bois et forêts particulier", "Histoire de l'administration des Eaux et Forêts en France"

- Vieux métiers

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