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Noyade à Lunay : la fin tragique de Louise Renier

    Depuis que j'ai débuté mes recherches généalogiques, j'ai toujours entendu une histoire étrange - et quelque peu sordide. Du côté maternel de ma famille, on m'a toujours raconté que la mère de mon arrière-grand-père était morte noyée dans un lavoir, alors qu'elle lavait son linge. Certains affirmaient même que c'était son mari qui l'avait en fait tué ! J'ai pendant longtemps cherché des preuves de cet évènement, notamment dans la presse, mais je n'en avais jusqu'à maintenant trouvé aucune trace. Même l'acte de décès de l'intéressée restait muet quant aux circonstances du décès (ce qui est habituel pour un acte de décès par ailleurs). J'avais donc laissé tomber, imaginant que cette histoire avait dû être inventée au sein de ma famille mais qu'elle n'avait aucun fondement. Du moins c'est ce que je pensais encore il y a quelques jours, avant d'enfin trouver un document qui m'a permis de tirer au clair cette histoire. Laissez-moi donc vous raconter la vie, et la fin tragique de Louise Alice Renier.

Acte de décès de Louise Alice Renier

Enfance à Fontaine-en-Beauce

    Louise Alice Renier - que j'appellerai simplement Louise dans le reste de ce billet - est née le 5 mai 1892, dans la commune de Fontaine-en-Beauce (aujourd'hui Fontaine-les-Coteaux) dans le département du Loir-et-Cher, plus précisément au lieu-dit L'Être aux Penils. Elle est le premier enfant d'Etienne Louis Renier, cultivateur, alors âgé de 36 ans, et de Juliette Justine Euphrasie Deshayes, cultivatrice, âgée quant à elle de presque 33 ans. Le couple s'est marié l'année précédente dans le même village, le 29 juin.

    Louise passe ainsi son enfance à L'Être aux Penils aves ses parents, puis sa sœur, Louise Julia, qui naît le 1er février 1895 : ce seront les deux seules enfants du couple Renier-Deshayes. En plus de ses parents et de sa sœur, Louise côtoie très certainement quotidiennement ses grand-parents paternels, Pierre Théodore Renier et Marie Louise Bénard, ainsi qu'une grand-tante, Magdelaine Julienne, car toutes et tous vivent également à L'Être aux Penils. Je précise également que ses grands-parents maternels, Pierre Deshayes et Marie Justine Loiseau, résident également à Fontaine-en-Beauce. Et sans compter les oncles, tantes, cousins et cousines qui vivent aussi dans le même village, on peut dire que Louise passe son enfance au sein d'une grande famille.

    Je n'ai pas d'autres détails sur l'enfance et l'adolescence de Louise, mise à part le décès de son grand-père Pierre Deshayes le 21 novembre 1909.

Mariage et vie commune

    Je retrouve Louise, âgée de 18 ans, pour son mariage, le 15 octobre 1910, toujours à Fontaine-en-Beauce, avec Auguste Jouanneau, né le 3 juillet 1883 à Fortan (Loir-et-Cher), alors âgé de 27 ans, fils de Pierre Auguste et de Clémence Émelie Auriau, décédée le 19 mai 1902. Louise et Auguste sont alors tous les deux agriculteurs.

    Le jeune couple s'installe d'abord à Fortan, où naît leur premier enfant, Marcel Fernand Louis, mon arrière-grand-père, le 18 août 1911. Ils partent ensuite dans la commune de Mazangé (Loir-et-Cher), où naissent Raymond Moïse le 12 octobre 1912, et Éliane Raymonde Alice le 15 mai 1914. Le 1er août 1914, Auguste, comme des millions d'autres Français, est rappelé à l'activité militaire à la suite de la mobilisation générale décrétée le même jour. Il arrive à son corps d'armée le 8 janvier 1915, mais est réformé dès le 27 mars de la même année pour "rhumatismes déformants". Cela lui permet ainsi de retourner auprès de sa famille et d'échapper aux horreurs du premier conflit mondial.

    Enfin, Louise et Auguste se fixent définitivement à Lunay (Loir-et-Cher), au lieu-dit de Dièpre. C'est là que naissent leurs deux derniers enfants, d'abord Maurice Henri Camille, le 12 juin 1916, et Germain Fernand Ernest, le 16 mars 1921, qui malheureusement meurt le 9 décembre de la même année. A part ce dernier évènement dramatique, rien ne semble présager le drame qui se prépare.

Une mort soudaine

    C'est en 1922 que je retrouve pour la dernière fois la trace de Louise, et malheureusement c'est pour son décès, qui a lieu le 9 janvier de la même année. Son acte de décès, dressé le lendemain, ne donne comme information que l'heure supposée du décès, à savoir "dix heures", ainsi que le lieu du décès, à savoir Dièpre, le domicile du couple. Son mari ne fait pas partie des déclarants sur l'acte de décès, car si j'en crois l'acte de décès de Germain (leur dernier fils), il était alors à Fortan. Pour quelles raisons ? Je ne sais pas, mais toujours est-il que jusqu'ici, rien ne paraît sortir de l'ordinaire, et on pourrait croire qu'on a affaire à un décès "classique", mais c'est sans compter l'histoire familiale que je vous ai racontée en introduction de ce billet.

    Mais alors, cette rumeur est-elle vraie ou fausse ? Encore récemment, je penchais pour la seconde option, jusqu'à ce qu'un soir, au détour d'une recherche dans la presse ancienne sur le site Gallica, je ne découvre un document qui est venu définitivement confirmer cette histoire (ou du moins une très grande partie). Ce document, c'est un article, paru le 27 janvier 1922 dans Le Progrès du Loir-et-Cher, qui indique ceci :

    "LUNAY - Mme Jouhanneau-Regnier, âgée de 29 ans, a été trouvée noyée dans une mare sise au lieu     dit Dièpre, commune de Lunay. Cette femme qui était occupée à laver, aura été entraînée dans l'eau,         car elle était sujette à des étourdissements."

Article du Progrès du Loir-et-Cher mentionnant la mort de Louise Alice Renier

    Il y a plusieurs choses à dire à partir de cet article. Tout d'abord, que la femme mentionnée dans l'article est bien Louise, car, outre les fautes d'orthographe sur les deux noms de familles, l'âge correspond bien, ainsi que le lieu du décès, qui est le même que celui indiqué dans l'acte de décès. Ensuite, l'article confirme la cause de la mort, à savoir la noyade, tout en précisant que la pauvre Louise s'est noyée dans une mare, et non dans un lavoir, comme j'avais pu l'entendre. En regardant les vues satellites au lieu-dit de Dièpre, on peut voir qu'il y a effectivement un point d'eau toujours présent à cet endroit. Est-ce la même mare mentionnée dans l'article ? C'est fort probable.

Photo aérienne du lieu-dit de Dièpre, à Lunay

    Enfin, et c'est le plus intéressant, l'article nous fournit également les causes de la noyade. Si vous vous souvenez, au début de ce billet j'ai précisé que certaines rumeurs dans ma famille disaient que c'est le mari de Louise qui l'avait tué. Or, l'article explique que Louise était souvent "sujette à des étourdissements", et que c'est un de ses étourdissements qui serait intervenu lorsque Louise lavait (son linge je suppose), la faisant basculer dans la mare. Est-ce vraiment ce qu'il s'est passé ? En l'absence d'autres versions plus plausible, je pense que celle-ci est la plus probable : la malheureuse Louise est décédée d'un tragique accident, comme il peut très souvent en arriver.

Conclusion

    Après sa tragique disparition, Louise laisse derrière elle son mari Auguste, ainsi que leurs quatre enfants. On peut supposer que c'est le père qui a dû élever seul ses enfants, mais on m'a toujours dit que mon arrière-grand-père, Marcel, a été élevé par une de ses tantes. Je n'ai pas de preuves de cela, mais je pense tout de même que cela est très probable. Les enfants survivants de Louise atteignent tous l'âge adulte et se marient. Auguste Jouanneau meurt finalement le 10 avril 1935 à Vendôme, à presque 52 ans. Quant aux parents de Louise, son père Etienne meurt le 28 décembre 1932 à Fontaine-en-Beauce, et sa mère Juliette Deshayes le 20 juin 1951, également à Fontaine.

    C'est ainsi qu'en une soirée, j'ai résolu un des plus grands mystères concernant un de mes ancêtres. Cependant, il m'en reste d'autres à élucider, notamment à propos d'une mystérieuse photo de mariage, découverte dans la maison de mes arrière-grands-parents maternel, que je soupçonne être la photo du mariage de Auguste et Louise ! Mais je n'ai aucune preuve formelle, seulement des suppositions grâce à des ressemblances physiques, notamment avec des personnes présentent sur la photo de mariage de mes arrière-grands-parents, mais sans plus, ce qui ne me permet pas d'identifier avec certitude qui sont les mariés de cette mystérieuse photo... mais qui sait de quoi l'avenir sera fait !


La mystérieuse photos de mariage (Auguste et Louise ?)

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